"En résonance avec Masahisa Fukase… mon regard"
“Croooâââââ” est né d’une présence devenue impossible à ignorer : celle des corneilles dans nos villes et nos campagnes.
Elles sont partout. Elles crient, pillent, s’imposent. Trop visibles, parfois agressives, elles provoquent rejet, lassitude… et malgré tout, un certain trouble. Leur intelligence, leur adaptabilité, leur regard vif m’ont donné envie de les observer autrement.
Ce projet n’est ni une défense, ni une charge. C’est une tentative de comprendre ce que ces oiseaux disent de notre époque, de notre rapport au vivant, de ce qui se joue à la marge de nos zones de confort. Il s’inscrit aussi dans une filiation très personnelle : celle de Masahisa Fukase, dont le livre Karasu (Ravens, 1986) m’a profondément marqué. À travers ses images, le vol d’un oiseau devenait miroir intérieur. Ce projet en est un écho, réinterprété ici, dans mon contexte contemporain.
En dialogue avec Fukase
“Croooâââââ” est une forme d’hommage, mais vivant. Là où Fukase explorait le deuil et la disparition dans le froid du nord japonais, je m’intéresse à une présence trop envahissante, trop bruyante, trop proche. Ses corbeaux volaient dans le brouillard. Les miens squattent les arbres de nos villes, arpentent nos trottoirs, escaladent nos balcons.
Le titre — ce cri allongé, un peu absurde — dit déjà l’ambiance : ce n’est pas un travail silencieux ni contemplatif. Mon regard lucide, qui vacille entre le rejet et l’attrait.
Et à travers vous
Observer ces corneilles, c’est peut-être apprendre à voir autrement ce qu’on préférerait ignorer. Elles échappent à la seule symbolique comme à la simple nuisance. Elles sont là, tenaces, étranges, mais familières. À travers elles, j’ai voulu prolonger une intuition que Fukase avait saisie : quelque chose en nous qui observe, veille, se cabre et résiste.
Ce projet est une tentative de reprise, de transformation. Un hommage à une œuvre forte, oui — mais dans un autre lieu, un autre temps, avec mes propres outils.
C’est mon regard.
C’est leur cri.
Croooâââââââ!